lundi 14 janvier 2008

Un gros manque





On dit que la musique de Nietzsche n'est pas très bonne.

Curt Paul Janz - C'est la réputation que lui a fait Hans von Bülow en 1872 dans la lettre où il répond à Nietzsche, qui lui avait adressé sa " Manfred-méditation ". " Parmi toutes les esquisses sur papier à musique qui me sont tombées sous les yeux, je n'en avais de longtemps pas vu d'aussi extrême dans le style de l'extravagance fantastique, d'aussi désagréable et d'aussi antimusicale. " Et il poursuit en lui demandant s'il ne s'agissait pas d'une " plaisanterie ". Jugement qui ne fut pas sans effet : il brisa toutes les velléités musicales de Nietzsche, et cela au moment même où Nietzsche trouvait son travail philosophique - La Naissance de la tragédie - violemment condamné par Wilamowitz. Mais ce jugement est très injuste. Nietzsche était bon musicien, il jouait bien du piano et est l'auteur de bons morceaux. Il a continué à jouer après l' "effondrement " de 1889.

À Iena par exemple, il se rendait dans un restaurant et on le laissait jouer et fumer, improviser deux heures tous les jours. Il a toujours joué du piano et, en particulier, du Wagner. Nietzsche a commencé à composer très tôt, dès ses années de lycée : ébauches d'un requiem (sans doute inspiré de Mozart), d'une messe, d'un oratorio de Noël, d'un très beau miserere qu'il a dû composer sous l'influence de Palestrina. Il y a de très belles pièces pour piano, une quinzaine de lieder, des ébauches symphoniques qui, allant bien au-delà de ce qu'on faisait de son temps, annoncent Richard Strauss.

Nietzsche travaillait des impressions qu'il recueillait à l'écoute des autres, comme s'il discutait avec ceux qui pouvaient sentir comme lui. Ainsi, avec Beethoven ou Chopin. Il a fait de même en philosophie, avec Kant ou Platon par exemple. En 1874, Brahms était à Bâle pour diriger la première de " Triumphlied " pour chœur et orchestre qu'il avait composé pour la victoire de 1871. Nietzsche, en effet, a suivi Brahms à Zurich où le même concert devait être donné. Nietzsche en a fait une transcription pour piano, l'a donnée à Wagner en en faisant les plus grands éloges. Mal lui en a pris. Ce fut sans doute un des motifs de la séparation.

À la même époque, Nietzsche s'est essayé à de grandes compositions, qui ne sont pas du tout influencées par Wagner. On a un amusant morceau pour piano, qui se développe pour brusquement se transformer en une sonate de Beethoven, qu'il appréciait particulièrement et qu'il a beaucoup joué, avec Chopin.

Tout cela n'a pas été beaucoup étudié, les philosophes n'étant généralement pas très musiciens et les musiciens ne s'intéressant pas beaucoup à Nietzsche. Il a là un gros manque.

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