samedi 18 octobre 2008

Heidegger, « son plus proche adversaire »


«La vérité de l’image est sa beauté.» Ainsi se termine un court texte de Martin Heidegger, écrit en 1955 pour servir de préface à la monographie consacrée par l’une de ses élèves à la Madone Sixtine de Raphaël. Ce texte est étrange. D’abord par sa brièveté - à peine trois pages - et sa densité, qui le rendent difficile. Ensuite parce qu’« on y entend résonner l’écho » de tout ce que le philosophe « a pu dire sur l’art et l’œuvre d’art depuis au moins 1935 ». Enfin parce qu’il est rarissime que Heidegger, qui en général évoque « des œuvres imaginaires, c’est-à-dire réduites à des types (le temple grec, la statue du dieu) », et considère toujours que l’art est la poésie, donc le langage, s’intéresse à une œuvre picturale précise. Le tableau de Raphaël - « retable » ? « fenêtre peinte » ? - est lui-même « un objet mythique », entouré d’un mystère que les historiens d’art n’ont guère réussi à percer, puisqu’on ne sait avec certitude ni les circonstances de sa commande, ni sa destination, ni les conditions auxquelles la véranda du Vatican l’a vendu, ni sa collocation initiale (l’église Saint-Sixte de Plaisance ?).

vendredi 17 octobre 2008

Le Sollers des plaisirs



Vingt siècles de christianisme ont fabriqué un corps déplorable et une sexualité catastrophique. A partir de la fable d'un Fils de Dieu incarné en Fils de l'Homme, un mythe nommé Jésus a servi de premier modèle à l'imitation : un corps qui ne boit pas, ne mange pas, ne rit pas, ne fume pas, n'a pas de sexualité - autrement dit, un anticorps. La névrose de Paul de Tarse, impuissant sexuel qui souhaite élargir son destin funeste à l'humanité tout entière, débouche sur la proposition d'un second modèle à imiter : celui du corps du Christ, à savoir un cadavre. Sur le principe de cette double imitation, un anticorps angélique auquel on parvient en faisant mourir son corps au monde, les Pères de l'Eglise, dont Saint Augustin, développent une théologie de l'éros chrétien : un nihilisme de la chair. Le modèle de jouissance devient le martyr qui jouit de souffrir et de mourir pour gagner son paradis.

Une seconde théologie de l'éros chrétien passe par Sade et Bataille, deux défenseurs de l'éros nocturne chrétien : identité de la souffrance et de la jouissance, mépris des femmes, haine de la chair, dégoût des corps, volupté dans la mort...


L'antidote à ce nihilisme de la chair se trouve dans le Kâma-sûtra, un antidote violent à La Cité de Dieu d'Augustin. Sous le soleil de l'Inde, l'érotisme solaire suppose une spiritualité amoureuse de la vie, l'égalité entre les hommes et les femmes, les techniques du corps amoureux, la construction d'un corps complice avec la nature, la promotion de belles individualités, masculines et féminines, afin de construire un corps radieux pour une existence jubilatoire.

jeudi 16 octobre 2008

« Les Pieds dans l'eau et la cigarette »


Une telle continuité dans la délation autorise aussi à mettre en doute les accusations dirigées contre l'écrivain et à souligner en quoi les inquisiteurs d'aujourd'hui utilisent non seulement les méthodes, mais parfois même le travail de leurs prédécesseurs. Les spécialistes de la lutte antitotalitaire auraient-ils négligé d'ouvrir leurs manuels d'histoire policière ? Ils n'auraient pas manqué d'y remarquer, par exemple, qu'au lendemain de la reprise en main soviétique, les services secrets tchèques, dans leur zèle infatigable, semblent avoir fabriqué quantité de faux visant à discréditer les dissidents, Kundera étant alors l'un des plus fameux. Grossièrement tapé à la machine, le document impliquant le romancier pourrait être, aussi bien, l'un de ces chiffons de papier accumulés dans les archives, offrant aux procureurs du futur une matière abondante et confuse, propice à la dénonciation de n'importe qui selon les intérêts du jour.

mercredi 15 octobre 2008

Né le 15 octobre (le 288e jour de l’année) 1844 à Röcken, Prusse


« Malgré sa fureur contre le christianisme, le lignage de Nietzsche est incertain. Nietzsche est un Saül dont s'empare la démence sur le chemin de Damas. »

mardi 14 octobre 2008

dimanche 12 octobre 2008

Le Nobel fume


Allumer une cigarette est aussi une expression de la pensée. Sartre a écrit des choses très belles sur la cigarette.

jeudi 2 octobre 2008

Ennemis poubelliques



Rares sont les adultes qui comprennent que tout enfant est, naturellement et sans effort, un philosophe. Il me semble parfois que je n'ai fait, dans mon âge d'homme, que donner une traduction esthétique à cette attitude de retrait que j'avais eu l'occasion d'observer, enfant, chez mon père. [...]


Vous souhaitez, m'avez-vous dit, être informé des positions de l'adversaire afin de pouvoir, éventuellement, riposter. Je ne sais pas si vous aimez réellement la guerre, ou plutôt je ne sais pas depuis combien de temps vous l'aimez, combien d'années d'entraînement il vous a fallu pour y trouver de l'intérêt et du charme; mais ce qui est sûr, c'est que vous pensez, comme Sollers, que nous sommes dans une véranda où l'on vit et où l'on meurt «les armes à la main».


[...] Comment expliquer cet étrange détour que, chacun de notre côté, nous avons pris ? J'ai été frappé lors de notre dernière rencontre que vous continuiez à faire des recherches Google sur votre nom, jusqu'à utiliser la fonction d'alerte, qui permet d'être informé à chaque nouvelle parution. J'ai pour ma part désactivé cette fonction d'alerte, et puis j'ai renoncé aux recherches Google elles-mêmes.


Après tout je suis content, à présent, de voir Schopenhauer et Platon, non plus comme des maîtres, mais comme des collègues de la véranda.


Ce qui nous sépare : les animaux (que je n'aime pas); Nietzsche (que je préfère à Schopenhauer alors que, vous, il semble que ce soit l'inverse); l'usage des drogues (je suis pour); la torpeur (je suis contre)...