jeudi 7 mai 2009

Sollers « hors de prix »



Le dernier espace de monétisation de la valeur sentimentale des enfants est celui de l’adoption. Dans les années 1870, la seule façon d’obtenir de l’argent d’un bébé était d’en débarrasser quelqu’un. C’est ce que faisaient les « baby farmers », c’est-à-dire les nourrices, qui avaient une très mauvaise réputation, accusées de mal s’occuper des enfants. À la fin du XIXe siècle, la pratique est en déclin, les parents étant stigmatisés s’ils plaçaient ainsi leur enfant.
Cinquante ans plus tard, les parents pouvaient dépenser des milliers de dollars au marché noir pour adopter un enfant. La pratique de l’adoption ne s’est vraiment diffusée qu’à partir du moment où la valeur de travail des enfants a disparu. Leur nouvelle valeur émotionnelle a alors été monétisée et commercialisée. Un véritable marché aux enfants (éventuellement illégal et très lucratif) a vu le jour, produit de la définition non économique des enfants. Le prix d’un enfant n’était plus déterminé par sa force de travail mais par ses sourires, ses fossettes et ses boucles.
Quel que soit le type d’évaluation monétaire des enfants, Zelizer montre dans cet ouvrage que le mécanisme est identique : évaluer le prix d’un enfant par la valeur de son travail devient impossible, et c’est cela qui les rend précieux et « hors de prix ».

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