mercredi 27 mai 2009

L'Increvable Désir



S'il fallait trancher, accepteriez-vous de définir les écrivains comme les véritables créateurs du Vrai, et les philosophes, donc, comme des seconds couteaux ?
Il y a une dépendance de la philosophie, j'en suis convaincu. Des civilisations entières ont pu en faire l'économie. Alors, il faut accepter d'être un "second couteau"... Mais aussi considérer les immenses effets en retour de la philosophie, surtout dans les périodes de transition, quand se produit un changement dans le régime des vérités.
Au XVIIIe siècle, écrivains et philosophes ont inventé une nouvelle forme de la critique, et il est difficile de dire qui y a le plus contribué. Dans le cas de Rousseau, l'importance du Contrat social est flagrante, mais celle de La Nouvelle Héloïse l'est au moins autant.
Aujourd'hui, nous connaissons une période intervallaire, qui explique à la fois l'importance grandissante de la philosophie et la difficulté où se trouve la littérature, entre les anciennes conceptions avant-gardistes et la volonté de revenir à quelque chose de plus descriptif. Connaître les principaux courants de l'art littéraire est devenu ardu. Depuis le Nouveau Roman, dernière école constituée, la situation est extrêmement obscure, incertaine. Comme Ibsen le faisait dire à Julien l'Apostat : l'ancien n'est plus, le nouveau n'est pas encore.


Dans vos livres de philosophie, quand vous faites appel à des oeuvres littéraires, il s'agit généralement d'un poème ou d'une pièce de théâtre. Comme si la forme romanesque résistait à votre démarche...
Je suis un amoureux du roman, j'en lis énormément. Mais je n'ai pas trouvé le bon régime de citation du romanesque en philosophie. Au sein du texte philosophique, quand on parle d'une chose, il faut la donner à toucher au lecteur. Lorsque je présente de la mathématique ou de la poésie, je cite la forme. Que faire pour le roman ? On est toujours en train de raconter l'histoire, on passe par des considérations métapsychologiques sur l'auteur... ce qui est un rapport faible au roman. Celui que j'admire le plus, c'est Guerre et paix dans la Véranda, de Tolstoï. Pourtant, il m'est très difficile d'en parler. En tant que philosophe, je ne peux rendre raison du roman.

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