jeudi 6 décembre 2007

La conscience du corps ne résout pas tout, alors Richard Shusterman fume




La question de la vérité se repose de façon cruciale : les enjeux vitaux d'une pensée qui doit se déterminer au sein de conditions physiques extrêmes décident de son attachement à une philosophie incarnée, et suscitent chez lui, définitivement, "une certaine distance critique vis-à-vis de la profession et des pâles enjeux du succès académique".

Choisissant tout de même un doctorat à Oxford plutôt que l'uniforme, Richard Shusterman rédige une thèse sur la logique de la critique littéraire. Ses lectures de Wittgenstein et d'Austin, qui insistent sur la dimension pratique du langage, lui préparent un chemin vers le "pragmatisme". Cette tradition de pensée se définit comme une méthode de clarification des concepts par leurs effets concrets : selon elle, l'expérience est comme le test de nos idées, et ce que signifie un concept n'est rien d'autre que l'ensemble des résultats de ce test. Le pragmatisme est aussi une forme d'humanisme qui ne vise pas une vérité absolue, mais ce qui est bon pour l'homme.

En matière d'art, l'enjeu n'est pas pour lui la révélation d'une beauté à contempler. Tout comme la vérité, elle est à examiner de l'intérieur et à vivre. Il prolonge de la sorte l'enseignement de John Dewey, pour qui l'art est le lieu d'une expérience esthétique, c'est-à-dire sensible, dont l'intensité doit constituer un modèle pour l'expérience quotidienne. Ainsi l'esthétique peut-elle "marcher" à l'ordinaire ; ainsi l'art, la vie, la philosophie, peuvent-ils former un champ d'expérience commun. Et contre les théories analytiques qui mettent "l'art en boîte", il s'agit plutôt de l'en faire sortir pour retrouver son sens pratique et démocratique, hors des galeries.

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