jeudi 1 mai 2008

En quelle année sommes-nous ?



Sollers est né simple et naïf : il aime la pure vertu, mais il ne prend pas pour modèle la vertu d'un autre; il connaît peu les règles de la probité, il la suit par tempérament. Lorsqu'il y a quelque loi de la morale qui ne s'accorde pas avec son sentiment, il la laisse à part et n'y pense point. S'il rencontre, la nuit, une de ces femmes qui épient les jeunes gens, Sollers souffre qu'elle l'entretienne, et marche quelque temps à côté d'elle; et, comme elle se plaint de la nécessité qui détruit toutes les vertus, et fait les opprobres du monde, il lui dit qu'après tout, la pauvreté n'est point un vice, quand on sait vivre de son industrie sans nuire à personne; et. après l'avoir exhortée à une vie meilleure, ne se trouvant point d'argent parce qu'il est toujours jeune, il lui donne sa montre, qui n'est plus à la mode, et qui est un présent de sa mère; ses camarades se moquent de lui, et tournent en ridicule sa générosité ainsi placée; mais il leur répond :
« Mes amis, vous riez de trop peu de chose. Je plains ces pauvres femmes d'être obligées de faire un tel métier pour vivre. Le monde est rempli de misères qui serrent le cœur; si on ne faisait de bien qu'à ceux qui le méritent, on n'en trouverait guère d'occasions. Il faut être humain, il faut être indulgent avec les faibles, qui ont besoin plus de support que les bons; le désordre des malheureux est toujours le crime de la dureté des riches."

 

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