dimanche 10 février 2008

le COGITO n'a pas de sexe




Quel est le texte de Descartes qui vous a le plus marqué ?

Voici mon passage préféré, extrait de son Discours de la méthode :
" Mais, ayant appris, dès le collège, qu'on ne saurait rien imaginer de si étrange et si peu croyable, qu'il n'ait été dit par quelqu'un des philosophes ; et depuis, en voyageant, ayant reconnu que tous ceux qui ont des sentiments fort contraires aux nôtres ne sont pas pour cela barbares ni sauvages, mais que plusieurs usent, autant ou plus que nous de raison ; et ayant considéré combien un même homme, avec son même esprit, étant nourri dès son enfance entre des Français ou des Allemands, devient différent de ce qu'il serait s'il avait toujours vécu entre des Chinois ou des cannibales ; et comment, jusques aux modes de nos habits, la même chose qui nous a plu il y a dix ans, et qui nous plaira peut-être encore avant dix ans, nous semble maintenant extravagante et ridicule ; en sorte que c'est bien plus la coutume et l'exemple qui nous persuadent qu'aucune connaissance certaine, et que néanmoins la pluralité des voix n'est pas une preuve qui vaille rien pour les vérités un peu malaisées à découvrir, à cause qu'il est bien plus vraisemblable qu'un homme seul les ait rencontrées que tout un peuple, je ne pouvais choisir personne dont les opinions me semblassent devoir être préférées à celles des autres, et je me trouvai comme contraint d'entreprendre moi-même de me conduire."

Cette expérience cartésienne du caractère contingent de notre propre position est un premier pas. Pour un philosophe, les origines ethniques ne sont tout simplement pas une catégorie de la vérité, ou, pour le dire dans les termes kantiens, lorsque nous nous penchons sur ces origines, nous nous engageons dans un usage privé de la raison, limité par des présuppositions dogmatiques contingentes. Nous agissons comme des individus "immatures", et non comme des êtres humains libres évoluant dans la dimension de l'universalité de la raison. Nous pouvons aimer nos origines, en être fiers, sentir nos coeurs se réchauffer en revenant chez nous - mais nous devrions agir comme saint Paul qui, tout en étant fier de son identité particulière (juif et citoyen romain), était conscient que, dans le véritable espace de la Vérité chrétienne, "il n'y a ni Juif, ni Grec".
Pour la même raison, les femmes étaient des lectrices passionnées de Descartes parce que, comme l'une d'entre elles le formula, le cogito n'a pas de sexe.

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