Me
revoici dans ma véranda à Florence… Encore une semaine… Restons tendus…
Ma petite voisine, de l’autre côté de la rue, est toujours collée à son
livre… Tiens, mais voici un autre spectacle… Un couple pédé… Un grand
poilu-moustachu… Un jeune efféminé… Américains… Ils font l’amour sur le
lit dans la chambre à côté de celle de la lectrice… Très traditionnels…
Hétéros en plein… Monsieur sur Madame, les jambes en l’air, caressant
les fesses à poils de Monsieur… C’est mou, lent, insistant ; c’est
touchant… Le quiproquo organique… Les homos ne peuvent pas savoir ce
qu’est un cul… Les délices d’un cul… Puisqu’il n’y a pour eux qu’un
vagin de cul… Quelle tristesse ! Quel rétrécissement des contours !…
Quel tunnel d’équivoque ! Quel faux rebond ! … Je les croise plus tard
dans la rue, sages, irréprochables, très jeunes mariés… Catalogues,
musées…Splendeurs italiennes…
Je
me demande quand même ce qui m’attend à Paris… Comment Deb a pris la
tournée de Flora… Qui n’en est sûrement pas restée là, d’ailleurs…
Visites… Bla-bla… Bombardements des aéroports… Tronçonnage des routes…
Explosion des dépôts de munitions… Destruction des ponts… Soulèvement
militant… Je risque de retrouver mon paysage en poudre… Pour Deb, je
suis à peu près tranquille… Réaction d’analyse… Concrète… Elle montera
ses prix…
Je
relève la tête … Mes deux gentils pédés sont de nouveau dans leur
chambre à coïter conjugalement… Avec une obstination sépulcrale… Ils
pétrifient un peu l’atmosphère… La Bible est sévère avec eux… À
l’époque, les prostitués mâles, sacrés, pullulaient près du temple… En
Babylonie… En Syrie… Ils s’introduisaient en Israël en même temps que
l’idolâtrie… Toujours l’Ashérah, le pieu, et ses conséquences… Des «
chiens », dit le texte hébreu… En l’occurrence, ce sont plutôt des
toutous somnambuliques… Cintrés…
Encore
quelques jours seul… De plus en plus seul…Pourquoi ne pas rentrer dans
un couvent des environs ? … Sans blague ?… Disparaître là… Que c’est
tentant !… Du papier… De l’encre… Whisky caché… Et puis quoi ? De quoi
d’autre aurait besoin une forme déjà en cendres, un squelette en sursis ?
Être en vie ? Pourquoi ? À quoi bon ? Comment ? Se sentir
en vie, vous voulez dire ? Avec ces fleurs, là, devant moi ? Devant mes
yeux ? Mais les yeux qui sont pour le moment mes yeux viennent de plus
loin que les fleurs qui sont là devant des yeux…Être
enfermé là-dedans ! … Qui me délivrera de ce corps de mort ?… Cellules
tirées vers moi, contre moi… Comment rejoindre ce que je sens plus loin
que ce moi qui ne sent que ce que je sens ? … Voile…Puchritudo saeculorum,
comme dit Augustin… « La beauté des siècles »… Mon œil…Je suis seul,
mais voulu par dieu, une pensée de dieu, une portion, une parcelle
éternelle de la louange qui lui est adressée… La voix de ces êtres
parlants, c’est leur évidence même… Le verbe… Oui, c’est ensemble et
éternellement que tout est dit… Tu ne fais pas autrement qu’en disant…
Le souffle, l’esprit, planant au-dessus, pesanteur inversée,
lancée…Quand notre âme aura traversé les eaux qui sont sans substance… À
qui le dire ? …Comment le dire ?…Porte ton poids d’évanouissement !… Dix, et salvavi animam meam !…
Nous
sommes à l’ère de la publicité et de la mystique…La publicité ravage
l’ensemble de la représentation… Achève la comédie… Ramène la
désinvolture XVIIIe. La lucidité, aujourd’hui, est là… Cyd… Musique, ironie… Ce qui plait à Mme Duchnock règne enfin sur le monde… On ne va pas plus loin que Mme Duchnock… Pas de profondeur… Surface en surfaces… Flash… Achetez… C’est mieux… Lessive… Parfum… Comment on fabrique la vox populi…
Désir des masses… Marketing… Science des glandulations… Science très
subtile, je ne plaisante pas… Les plus hautes qualités d’appréciation et
d’intuition sont requises… Persuader en douceur… Être plébiscité… Adopté… Vous n’y êtes pour rien…Ce sont eux qui décident…
Et puis le feu, la flamme invisible, derrière… Irreprésentable… La voix qui vient du feu…
Je
peux aussi bien me dire : ouf ! encore un jour sans femmes… Il sera
toujours temps d’y retomber… Bientôt… La chair est faible, hélas…
Heureusement qu’il y a un livre qui résiste à toutes les lectures… Ouf,
encore un jour sans Flora, en tout cas !… Pas de téléphone, pas de
pression, pas de parasitage, pas de bavardage, pas d’allusions
empoisonnées, pas de séduction forcée, pas de « grande séance »… Ta
queue, chéri ! Je veux voir le sperme sortir ! Houie ! Sur les seins !…
Sur les yeux !… Partout !… L’avaler !… Miam !… Prends-moi
!…Encore!… Je t’adore !…Je t’aime !…Suce-moi !…Caresse-moi !…
Enfonce-moi !…Et les pleurs de joie, quand ça jouit, pauvre silhouette
coincée dans le spasme…Ah, humanité ! Humanité !… Flot du temps…
Soleil couchant sur Florence ; soleil rouge sur la mince frise des séraphins des Pazzi…
1 commentaire:
Quand au livre, Sollers disait dernièrement que « Quand plus personne ne lit, dieu a tendance à parler de plus en plus fort », car on peut lui faire dire ce que l’on veut, et il rajoutait Sarkozy croit en dieu "comme le premier Rom venu … dieu veille : il sera réélu". Il ne restera bientôt plus qu'Internet comme espace de liberté, mais on peut avoir confiance dans nos dirigeants pour le contrôler, d'abord par l’argent, en le faisant payer suffisamment (avec des taxes …) puis avec des lois contre le téléchargement, en attendant des lois sur le blasphème (qu’on essaye de faire passer à l’ONU) …
Enregistrer un commentaire