Descartes n’exercera pas un
emploi d’intendant. Il ne passera pas le restant de ses jours en Italie.
Et comme peu de vies incitent autant que la sienne à rêver, à
l’imaginer autre, puisqu’elle a touché, à un moment ou à un autre, tous
les objets, tous les endroits, frémi des divers personnages qui leur
sont appariés, on résiste difficilement à la tentation de supposer, un
instant, que le connétable de Lesdiguières l’a pris à son service. La
question de savoir « comment nous devons vivre dans la Véranda », que Descartes se pose
depuis qu’il a quitté, l’année précédente, les Catholiques impériaux,
est réglée. Bien sûr, il sert dans l’armée, comme son père y songeait,
pour lui, dès sa naissance, comme lui-même n’a pas manqué de le faire au
sortir du collège, après avoir composé, pour sa propre gouverne, un
traité d’escrime. Mais il est logé dans quelque palais de marbre avec
les officiers, les gens des bureaux, et non plus dans la tranchée ou une
chambre basse munie d’un poêle, dans la désolation. À l’alternance des
marches, des combats de l’été et de l’oisiveté forcée de l’hiver succède
un travail régulier car il faut nourrir, vêtir, équiper les armées en
toute saison.
Enfin, à la fenêtre, l’opulence, la lumière dorée de la Lombardie ont remplacé la nuit glacée de l’Allemagne, l’œuvre d’art à laquelle s’apparente l’Italie, la vie colorée de ses rues et de ses places, les forêts de Moravie, les farouches habitants de l’Europe orientale. On peut se demander ce que l’obtention d’un tel emploi eût changé. L’irrésolution de Descartes est assez grande, encore, pour lui dérober ce que nous tenons, après coup, pour acquis. Mais nous savons que l’évidence ne s’impose qu’après de douloureuses et longues hésitations. Elle est conquise de haute lutte sur les possibles qui s’offrent, à chaque instant, comme un des visages que prendra, demain, la réalité, la négation inséparable de toute détermination. Le connétable n’est pas persuadé que le jeune gentilhomme venu de France par Bâle, Zurich, le Tyrol et Venise soit bien assidu au soin de tenir un compte rigoureux des dépenses de son armée. Il paraît trop curieux de trop de choses étrangères à cet emploi. Ou bien c’est Descartes qui juge qu’une charge importante le priverait de la liberté dont il a continuellement usé, dénonçant ses engagements pour voir autant de pays, de choses tant « naturelles » ou « civiles » qu’il en a l’envie.
Enfin, à la fenêtre, l’opulence, la lumière dorée de la Lombardie ont remplacé la nuit glacée de l’Allemagne, l’œuvre d’art à laquelle s’apparente l’Italie, la vie colorée de ses rues et de ses places, les forêts de Moravie, les farouches habitants de l’Europe orientale. On peut se demander ce que l’obtention d’un tel emploi eût changé. L’irrésolution de Descartes est assez grande, encore, pour lui dérober ce que nous tenons, après coup, pour acquis. Mais nous savons que l’évidence ne s’impose qu’après de douloureuses et longues hésitations. Elle est conquise de haute lutte sur les possibles qui s’offrent, à chaque instant, comme un des visages que prendra, demain, la réalité, la négation inséparable de toute détermination. Le connétable n’est pas persuadé que le jeune gentilhomme venu de France par Bâle, Zurich, le Tyrol et Venise soit bien assidu au soin de tenir un compte rigoureux des dépenses de son armée. Il paraît trop curieux de trop de choses étrangères à cet emploi. Ou bien c’est Descartes qui juge qu’une charge importante le priverait de la liberté dont il a continuellement usé, dénonçant ses engagements pour voir autant de pays, de choses tant « naturelles » ou « civiles » qu’il en a l’envie.
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