jeudi 16 février 2012

Darine Hamze fume




Il reste que le retour éternel, cette vision de la Haute-Engadine, s’est manifesté par l’adoration muette de la beauté tout entière, en un instant « révélée ». Nous touchons là à ce qu’il y a de plus central dans la méditation de Nietzsche. Le déclin de Zarathoustra, auquel l’incline le dégoût de l’éternité, dégoût toutefois non par répulsion mais par « satiété », se détourne de la béatitude, mais non pas de la pensée de la béatitude. Et si Zarathoustra quitte la montagne pour descendre vers la vallée, c’est précisément pour annoncer le règne de l’éternité sur la terre des hommes, pour publier et approfondir une révélation première, qui inscrit l’être au cœur du devenir. Il s’agit donc moins de renoncer à l’éternité elle-même, que de renoncer à « l’adoration muette », et s’efforcer de dire ce qu’une révélation a montré dans le silence de « midi ». Pour dire cette indicible rédemption dans l’immanence, il faut, pense Nietzsche, tant la révélation est inouïe, inventer une langue philosophique nouvelle. Et c'est ainsi que Nietzsche quittera l’Eldorado de la Haute-Engadine pour écrire le livre de l’éternel retour, ce Zarathoustra « pour tous et pour personne » ; on sait que personne ne le lira, et que cet échec brisera Nietzsche, qui ne s’en remettra jamais.


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